La loi ANCT

Introduction

Présentation générale de la loi ANCT

Attentes des élus

Ce que contient la loi

La loi ANCT dans les faits

Procédure accélérée

Les textes à l’origine de cette loi

Article 174 du TFUE

Article 175 du TFUE

Article 177 du TFUE

En conclusion

La loi proprement dite

Article 1er

Article 2

Article 3

Article 4

Article 5

Le rapport de l’article 175

Mon analyse

La gouvernance des projets territoriaux

Loi électoraliste ?

Épilogue : les déconvenues de Madame de Courson

Sources

Contexte dans lequel s’inscrit cette recherche

Les textes

Dernier rapport de la Commission

Introduction

En février 2020, j’ai assisté à la présentation de la loi ANCT par le rapporteur de cette loi à l’Assemblée Nationale (Yolaine de Courson). Avant cela, j’avais préparé cette présentation pour y poser quelques questions. Je vous présente ma démarche.

Voici tout d’abord quelques liens vers l’annonce de la venue de Madame de Courson, ils donnent le ton de ces rencontres et surtout on y découvre qu’il ne s’agit pas d’une réunion unique mais qu’elle s’inscrit dans un tour de France, et qu’elle est organisée par les candidats locaux de la République en Marche : Annonce de sa venue en Haute-Loire initialement prévue en décembre, reprogrammée en février, et qui a finalement eu lieu et a été rapportée dans la presse locale.

Présentation de la loi par Madame de Courson

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Arrêtons-nous une seconde sur cette assertion : « du sur mesure pour les territoires » et illustrons là par un contre exemple :

Les maires ruraux ont l’obligation de réduire les surfaces constructibles la prochaine fois qu’ils réformeront le PLU (Plan Local d’Urbanisme) Les administrés qui ont acheté ces terrains les ont payés au prix du terrain constructible. La mairie a investi dans des réseaux pour y amener l’eau, l’électricité etc. Dans mon village il y avait 170 ha constructibles, à votre avis dans quelle proportion faut-il réduire ? 10 %? 20% ? 30% ? plus ? Il faudra qu’il reste 8 ha constructible à des fins d’habitation ! Je vous pose la question de savoir si c’est une décision « sur mesure » pour les territoires ? Est-ce qu’elle « émerge du local » ou est-ce qu’elle vient « d’en haut » ? Notons que depuis, Madame de Courson a démissionné du groupe la REM à l’Assemblée Nationale et a adressé une lettre ouverte au ministre qui a porté cette loi dans laquelle elle dénonce son inutilité. Cette lettre n’est plus en ligne.

Présentation générale de la loi ANCT

Attentes des élus

Ils expriment tous à peu près les mêmes attentes, Madame Lavergne résume bien le sentiment général. Ce que les élus attendent ce sont des moyens pour réaliser leurs projets et non l’obligation de conduire des projets imposés par l’Etat. (logique ascendante et non pas descendante). Madame Célia de Lavergne :

Tous ont unanimement confirmé la pertinence du projet de création de l’ANCT. Les élus locaux, en particulier ceux des territoires fragiles, qu’ils soient ruraux, de montagne, ultramarins et bien entendu ceux de la politique de la ville, ne manquent pas d’idées pour développer leur territoire, mais ils se heurtent à un manque de moyens et de ressources pour accompagner leurs projets, comme à des financements et à des procédures de plus en plus complexes. Ce que les élus attendent de l’État et de nous, c’est bien les outils pour qu’on leur fasse confiance. Que l’on permette de déployer une action publique différenciée, en fonction des besoins de chaque territoire. La promesse de cette agence est bien de passer d’une logique descendante à une logique ascendante.

Cette agence sera nationale, et n’aura pas de ramification locale. Ce sont donc les préfets qui seront les relais locaux, alors même que les 4 agences existantes (qu’il s’agit de réunir par un guichet unique) ont d’ores et déjà leurs relais dans les territoires à l’échelon des départements. Je comprends mal en quoi la création d’une nouvelle agence en tampon avec les collectivités territoriales mais sans représentation dans les territoires pourrait mettre de l’huile dans les rouages. Plusieurs parlementaires parlent « d’usine à gaz », ce qui laisse supposer qu’eux non plus ne voient pas où se trouve la simplification.

Ce que contient la loi

Présentation du Ministre Jacqueline Gourault :

Le Gouvernement a décidé de créer l’ANCT à partir de trois services existants : le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), l’Agence du numérique et l’EPARECA qui concerne les espaces commerciaux et artisanaux. Précisons-le tout de suite pour couper la tête à un canard qui peut courir un peu vite : nous ne créons pas de nouvelle structure, mais nous intégrons des services de l’État qui existent pour améliorer l’efficacité et la coopération. L’intégration de ces organismes correspond à un choix pragmatique et stratégique. D’autres autres agences d’État – l’ANRU, l’ANAH, l’ADEME et le CEREMA – pourront passer des conventions ou être utilisées pour certains projets. Je suis allée récemment dans une commune de la banlieue de Périgueux où une nouvelle opération de l’ANRU implique de multiples intervenants. L’ANCT sera la concrétisation de cette politique.

Ce que je représenterais schématiquement de cette manière :

ANCT2

La loi ANCT dans les faits

En pratique, toujours selon les explications du ministre, en introduction de la commission, il s’agit de remplacer une agence existante, EPARECA (Etablissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux) et de reprendre une partie des prérogatives (et le budget correspondant) de l’agence du numérique et du CGET (Commissariat général à l’égalité des territoires). Elle doit en même temps instaurer un guichet unique pour 4 agences : ANAH (agence nationale pour l’amélioration de l’habitat), ANRU (agence nationale de la rénovation urbaine), ADEME (agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) , et le CEREMA (centre d’étude et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement). 

Procédure accélérée

Promise par Emmanuel Macron, la loi ANCT a officiellement été mise en place sous l’impulsion des Maires de France. Elle semblait très attendue, ce qui a, officiellement justifié la procédure accélérée pour sa mise en place (voir article 45).

Article 45 de la constitution

Lorsque, par suite d'un désaccord entre les deux Assemblées, un projet ou une proposition de loi n'a pu être adopté après deux lectures par chaque Assemblée ou, si le Gouvernement a décidé d'engager la procédure accélérée sans que les Conférences des présidents s'y soient conjointement opposées, après une seule lecture par chacune d'entre elles, le Premier ministre ou, pour une proposition de loi, les présidents des deux assemblées agissant conjointement, ont la faculté de provoquer la réunion d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.

Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement.

Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun ou si ce texte n'est pas adopté dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l'Assemblée nationale et par le Sénat, demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement. En ce cas, l'Assemblée nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat.

La loi ANCT a pour objet d’instituer un établissement public d’état (agence nationale de la cohésion des territoires).

Selon la présentation faite par le Ministre en charge, Madame Jacqueline Gourault, devant la commission de l’Assemblée Nationale, il est question d'une supposée nécessité de simplification. Motivation qui me semble bien fragile pour justifier une procédure accélérée.

Madame Jacqueline Gourault

En ce début d’examen à l’Assemblée nationale, je tiens d’abord à rappeler que la création de l’ANCT, annoncée par le Président de la République au cours de l’été 2017, constitue une réponse à une demande formulée par les représentants d’élus, en particulier par l’Association des maires de France (AMF) qui souhaitait « une simplification dans le paysage des opérateurs de l’État intervenant au profit des territoires. »

Les textes à l’origine de cette loi

Son action ciblera des zones défavorisées qui semblent être limitativement énumérées dans l’article 1 du projet de loi, mais il est précisé qu’une « attention particulière (devra) être accordée aux zones mentionnées par l’article 174 du TFUE".

Article 1 loi ANCT

Art 1 loi ANCT : Son action cible prioritairement, d'une part, les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d'accès aux services publics, avec une attention particulière accordée aux zones mentionnées à l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et, d'autre part, les projets innovants.

Il se trouve que l’article 174 auquel renvoie le premier article de la loi ANCT est le premier d’une série de 4 ou 5 articles qui sont regroupés sous le titre : Titre XVIII : cohésion économique, sociale et territoriale. J’ai donc lu attentivement l’article 174 et les articles suivants. Je vous invite à faire de même.

Article 174 du TFUE

L’article 174 cible les mêmes zones que celles énumérées dans l’article 1 du projet de loi à un détail près : la loi évoque « des territoires caractérisés par des contraintes géographiques », alors que le TFUE les énumère : « insulaires, transfrontalières et de montagne ». Les zones insulaires et de montagne, je vois bien à quel handicap géographique, elles ont à faire face … les zones transfrontalières cela me semble moins évident.

Art 174 TFUE : Afin de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale. En particulier, l'Union vise à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées. Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s'opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne.

Remarque : On notera que « transfrontalière » tombe comme un cheveu sur la soupe au milieu d’une énumération ennuyeuse.

Article 175 du TFUE

L’article 175 a retenu toute mon attention. Il y est question d’un rapport que la commission présente au conseil et au parlement européen, tous les trois ans, « sur les progrès accomplis dans la réalisation de la cohésion économique sociale territoriale … Ce rapport est, le cas échéant, assorti des propositions appropriées. »

De plus il est précisé dans cet article que « si des actions spécifiques s’avèrent nécessaires », elles seront arrêtées par la procédure législative ordinaire c'est-à-dire par la voix réglementaire qui échappe au contrôle des parlements des États membres.

Art 175 TFUE : Les États membres conduisent leur politique économique et la coordonnent en vue également d'atteindre les objectifs visés à l'article 174. La formulation et la mise en oeuvre des politiques et actions de l'Union ainsi que la mise en oeuvre du marché intérieur prennent en compte les objectifs visés à l'article 174 et participent à leur réalisation. L'Union soutient aussi cette réalisation par l'action qu'elle mène au travers des fonds à finalité structurelle (Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, section «orientation» ; Fonds social européen; Fonds européen de développement régional), de la Banque européenne d'investissement et des autres instruments financiers existants.

La Commission présente un rapport au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social et au Comité des régions, tous les trois ans, sur les progrès accomplis dans la réalisation de la cohésion économique, sociale et territoriale et sur la façon dont les divers moyens prévus au présent article y ont contribué. Ce rapport est, le cas échéant, assorti des propositions appropriées.

Si des actions spécifiques s'avèrent nécessaires en dehors des fonds, et sans préjudice des mesures décidées dans le cadre des autres politiques de l'Union, ces actions peuvent être arrêtées par le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions.

Article 177 du TFUE

Il est question dans l’article 177 d’un fonds de cohésion sensé contribuer à la réalisation de projets dans le domaine de l’environnement et « dans celui des réseaux transeuropéens en matière d’infrastructure des transports ». Il est également question d’un regroupement des fonds à finalité structurelle (c’est exactement de cela qu'il s'agit dans cette loi ANCT). Il y est également fait référence à la possibilité pour le conseil et le parlement européen de statuer par voix règlementaire (d’application directe sans l’aval des parlements des états membres) sur les objectifs prioritaires de ces fonds ...

Art 177 TFUE : Article 177 (ex-article 161 TCE) Sans préjudice de l'article 178, le Parlement européen et le Conseil, statuant par voie de règlements conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social et du Comité des régions, définissent les missions, les objectifs prioritaires et l'organisation des fonds à finalité structurelle, ce qui peut comporter le regroupement des fonds. Sont également définies selon la même procédure, les règles générales applicables aux fonds, ainsi que les dispositions nécessaires pour assurer leur efficacité et la coordination des fonds entre eux et avec les autres instruments financiers existants. Un Fonds de cohésion, créé selon la même procédure contribue financièrement à la réalisation de projets dans le domaine de l'environnement et dans celui des réseaux transeuropéens en matière d'infrastructure des transports.

Remarque : on notera qu’il n’y a pas de lien évident entre les « projets dans le domaine de l’environnement » (c’est flou) et « les réseaux transeuropéens en matière d’infrastructures des transports » … Si, comme moi, vous avez un doute sur le bien fondé de cet amalgame, cette vidéo de « c’est pas sorcier » vous expliquera que c’est plus écologique de traverser les Alpes sous de gigantesques tunnels.

En conclusion

Il semblerait bien que la « logique ascendante » attendue par les élus ne soit qu’un leurre. Les priorités seront toujours fixées selon une « logique descendante », la loi ne peut pas faire autrement car elle doit respecter les traités européens. Dans les faits la « logique restera bien descendante », simplement elle descendra de plus haut. Ce n’est plus l’Etat qui décidera des priorités d’utilisation de ces budgets mais bien l’Union Européenne.

La loi proprement dite

Article 1er

Nous avons vu toute l’ambigüité de l’article premier de cette loi qui situe son action dans un contexte local tout en laissant à l’article 174 le soin d’étendre son champ d’action aux zones transfrontalières. Rappelons-le :

Article 1 loi ANCT

Art 1 loi ANCT : Son action cible prioritairement, d'une part, les territoires caractérisés par des contraintes géographiques, des difficultés en matière démographique, économique, sociale, environnementale ou d'accès aux services publics, avec une attention particulière accordée aux zones mentionnées à l'article 174 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et, d'autre part, les projets innovants.

Article 2

Extrait de l’article 2
« L'agence peut accomplir … notamment : 1° Acquérir des fonds commerciaux ou artisanaux en qualité de délégataire du droit de préemption sur les fonds de commerce et artisanaux dans les conditions prévues au chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l'urbanisme ou, le cas échéant, par voie d'expropriation, des immeubles ou droits réels immobiliers »

Elle sera dotée d’un droit de préemption, on peut se demander pourquoi, puisque les collectivités territoriales bénéficient déjà de ce droit et que cette agence est sensée servir leurs intérêts.

Autre extrait du même article

« V.-L'agence a pour mission d'impulser, d'aider à concevoir et d'accompagner les projets et les initiatives portés par l'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les réseaux d'entreprises et les associations dans le domaine du numérique. A ce titre, l'agence :
Assure la mise en oeuvre des programmes nationaux territorialisés visant à assurer la couverture de l'ensemble du territoire national par des réseaux de communications électroniques mobiles et fixes à très haut débit ;
2° Favorise l'accès de l'ensemble de la population aux outils numériques et le développement des usages et des services numériques dans les territoires. »

Il faut bien comprendre que l’agence du numérique passe dans les mains d’une agence dont les priorités seront fixées par la commission européenne. Dans le contexte du déploiement controversé de la 5G, il serait intéressant de savoir ce qu’en pense la quadrature du net ?

Article 3

Extraits de l’article 3

« Dans l'hypothèse où une délibération ne recueillerait pas la majorité des voix des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, le président du conseil d'administration inscrit à l'ordre du jour du prochain conseil d'administration une nouvelle délibération portant sur le même objet. »

 

Les parlementaires qui sentaient probablement que quelque chose était en train de leur échapper souhaitaient obtenir la parité au conseil d’administration de l’agence entre représentants des territoires et représentants de l’Etat. Ils n’ont pas obtenu gain de cause mais cette mesure a été proposée pour compenser.

À mon sens c’est plutôt l’inverse, on prévoit que si jamais les représentants des collectivités votaient « mal » alors la délibération concernée par ce vote serait remise aux voix ! Cela ne résout rien ! Qui décide de l’ordre du jour ?

Autre extrait du même article

(il s’agit du conseil d’administration) « Il détermine dans son règlement intérieur les modalités de prévention des conflits d'intérêts. »

Je ne sais pas s’il est légal en France de prévenir les conflits d’intérêt autrement que par application de la loi qui condamne le trafic d’influence. Ne devrait-on pas s’en remettre à cette loi plutôt que confier cette prérogative au règlement intérieur, c’est-à-dire à ceux qui sont concernés ?

Article 4

Extrait de l’article 4

« Ils veillent à assurer la cohérence et la complémentarité des actions de l'agence, d'une part, avec les soutiens apportés aux projets locaux par les acteurs locaux publics ou associatifs intervenant en matière d'ingénierie et, d'autre part, avec les décisions prises au sein de la conférence territoriale de l'action publique mentionnée à l'article L. 1111-9-1. »

Donc il existe déjà des compétences publiques dans les domaines dévolus à l’ANCT. La création de cette nouvelle agence a-t-elle une vocation simplificatrice ou « complexificatrice » ?

À quoi sert cette couche supplémentaire ? À mettre de l’huile dans les rouages ou à gripper la machine ? À moins qu’il ne s’agisse de détourner l’attention sur un objectif apparent, qui n’est pas l’objectif réel

Article 5

Extraits de l’article 5

«Pour l'accomplissement de ses missions, l’ANCT dispose des ressources suivantes :
« 1° Les contributions et subventions de l'Etat et d'autres personnes publiques ;
« 2° Les financements par des personnes privées ;
« 3° Le produit des aliénations ;
« 4° Les dons et legs ;
« 5° Les revenus des biens meubles et immeubles ;
« 6° La rémunération de ses prestations de services au titre des missions prévues au IV de l'article L. 1231-2 ;
« 7° D'une manière générale, toutes les recettes autorisées par les lois et règlements. »

Cette agence sera amenée à facturer des prestations d’ingénierie … donc elle apportera aux collectivités territoriales fragiles, des services … certes … mais payants ! Or ces services existent déjà à travers les agences nationales qui seront remplacées, fusionnées ou doublonnées par la nouvelle agence. La loi ANCT n’apporte rien de plus. Elle pourra également recevoir des dons et legs. J’ai aussi remarqué en scrutant les débats qu’on avait par exemple remplacé des mots comme « fondations etc. » par « personnes privées » Je me pose la question de savoir s’il est conforme à la constitution que la loi française entérine le fait que des ONG s’immiscent dans nos affaires publiques ? Certains trouveront peut-être ces dérives anecdotiques, tant nous sommes habitués à ce que les us et coutumes anglo-saxons pénètrent sur notre territoire. Pour moi ces épiphénomènes sont quand même la preuve que cette loi nous est dictée par des gens qui ont une autre culture que la nôtre. Elle sert plus probablement leurs intérêts que ceux de nos territoires.

Le rapport de l’article 175

Il est bien difficile de commenter l’intégralité du rapport de la commission dont il est question dans l’article 175 du TFUE. Je me contenterai de commenter un encadré. Il se trouve à la page numérotées 12 (ce qui correspond à la 41ème page si l’on inclut les annexes).

La PAC, avait initialement pour objet de compenser les écarts entre les cours mondiaux et les prix de revient des produits agricoles dans les pays comme la France. Les Français, et notamment les agriculteurs, croient toujours que la PAC sert leurs intérêts. Or elle est progressivement détournée de son objet et les budgets qu’elle véhicule sont faramineux (environ 400 milliards d’euros).

PAC

Tout le monde sait que la PAC est un des budgets les plus importants. La France a d’ailleurs longtemps été bénéficiaire nette au budget de l’Union Européenne, car elle est un gros bénéficiaire de la PAC. Or si l’on en croit les tournures de phrase de l’encadré qui figure à la page suivante, ce n’est donc plus son objet principal.

« elle assure également un soutien aux revenus de base des agriculteurs »

Or, justement, l’enveloppe globale de l’ICHN (indemnité compensatrice de handicap naturel) qui est la subvention emblématique pour compenser les difficultés auxquelles sont confrontées les fameuses régions défavorisées, est progressivement réduite, et on assiste à un transfert des budgets concernés vers d’autres objectifs. Je note, par ailleurs, que « l’inclusion sociale des migrants » est à l’ordre du jour. Que les Roms sont explicitement cités. Quelle est l’idée qui est derrière ? L’on nous dit que 46 000 nouveaux emplois devraient être créés, mais ils seront occupés par qui ? On peut légitimement se poser la question tant il est question « d’inclusion » dans tout ce qui précède.

Mon analyse

Si cette loi est très attendue par l’AMF et les parlementaires, on peut se demander s’il ne s’agirait pas dans leur esprit de compenser la baisse des dotations aux collectivités territoriales, et les exonérations de taxes d’habitation qui pénalisent leurs budgets et qui théoriquement devront être remplacées par des dotations de l’état dont on devine qu’elles seront amenées à s’éroder de la même manière ?

La question que je me poserais bien volontiers serait la suivante : ne serions-nous pas plutôt en train d'organiser le regroupement puis la fuite des subventions aux collectivités territoriales vers des zones transfrontalières (pour préparer par exemple des eurorégions) et des infrastructures transeuropéennes pour faciliter les transports de marchandises, et si, « en même temps », on ne préparait pas la privatisation de ces financements donc, à terme, la fragilisation des collectivités territoriales ou la privatisation pure et simple de tous leurs projets ?

La gouvernance des projets territoriaux

Alors même que les parlementaires semblent imaginer le contraire, on peut voir dans cette loi la reprise en main de la gestion des budgets consacrés au développement des territoires pour éloigner la prise de décision des collectivités territoriales, tout en récupérant les fonds des agences existantes.

Le sénat veut un équilibre au conseil d’administration entre les élus des territoires et les représentants de l’état. Ce qu’il n’obtient d’ailleurs pas comme on l’a vu plus haut. De toute façon, ce n’est pas la composition de ce conseil qui changera les attributions de l’agence. S’ils voulaient être efficaces, ils discuteraient du bien fondé de l'existence même de cette agence pas de la composition du CA.

Loi électoraliste ?

Non seulement cette loi semble faire autre chose que ce qu’elle prétend faire mais en plus on l’utilise pour promouvoir le parti présidentiel. Cette loi avec application au 1er janvier 2020, débattue dans l’urgence, n’a-t-elle pas toutes les apparences d’une loi électoraliste juste avant les élections municipales. Que le Mouvement Européen et la REM en fasse conjointement la promotion pour soutenir leurs candidats localement … ne me semble pas pouvoir relever du hasard. Si c’est le cas au Mazet Saint-Voy, c’est probablement le cas ailleurs. Madame de Courson, rapporteur de cette loi à l’Assemblée Nationale, a réalisé un tour de France pour la présenter. Est-ce bien le rôle d’un député ? Pourquoi le fait-elle ? "En même temps" j'ai l'impression que cette loi poursuit un but très différent de celui qu'elle laisse supposer. Ne s’agit-il pas aussi de détourner l’attention en faisant officiellement voter des budgets soit disant pour aider les collectivités défavorisées mais en réalité on n’oublie pas de placer dans la même enveloppe le financement des zones transfrontalières (ou Eurorégions ) et les grands réseaux transeuropéens en soumettant à la commission européenne le privilège de fixer les priorités.

Épilogue : les déconvenues de Madame de Courson

Yolaine de Courson fait partie des députés qui ont quitté le groupe LREM à l’Assemblée Nationale en mai dernier mais elle n’a pas quitté le parti LREM. En juin 2020, elle a adressé une lettre ouverte à la Ministre en charge de la loi ANCT :

Extrait de la lettre

« Annoncé par le ministre de l’action et des comptes publics, le prochain projet de loi de finances rectificative contiendra des dispositions relatives aux collectivités territoriales dont la perte de recettes cumulée en 2020 et 2021 pourrait atteindre 4,9 milliards € selon la note présentée le 27 mars par le président et le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Vincent Eblé et Albéric de Montgolfier. Une estimation basse, si l’on en croit plusieurs responsables d’élus locaux. »

Autre extrait de cette même lettre

« Presque un an après la promulgation de la loi et près de 6 mois après la création effective de l’Agence, nous nous étonnons qu’aucune communication massive n’ait été déployée auprès des préfectures et des élus, qu’elle ne soit pas déjà mise en oeuvre de façon opérationnelle nationalement et localement, et qu’aucun projet ne soit, semble-t-il, encore accompagné dans les territoires. »

La REM réussit le tour de force de faire campagne pour les élections municipales en s’appuyant sur une loi dont on devine qu’elle ne servira pas les intérêts des territoires. Annoncer, dès le 27 mars, c’est-à-dire juste après la date du second tour initialement prévu, le montant auquel s’élèvent les pertes de recette consécutives aux décisions du gouvernement. N’est-ce pas se moquer du monde ? Lors de sa venue au Mazet-Saint-Voy, j’avais demandé à madame de Courson si elle n’était pas chagrinée par le contenu des articles 174 et suivants des traités européens qui mettent sur un même pied les régions insulaires ou de Montagne et les régions transfrontalières ou encore, qui confondent dans la même enveloppe des budgets destinés aux territoires ruraux et d’autres consacrés aux grandes infrastructures transeuropéennes. Elle avait semblé ne pas comprendre et avait repoussé mes arguments en m’expliquant que « non pas du tout l’article 174, il ne faut pas s’y arrêter ça ne veut rien dire, ça ne sert à rien on a écrit ça pour faire plaisir à quelqu’un qui y tenait beaucoup, mais ça n’a aucune incidence sur la loi ! » Aujourd’hui, Madame de Courson n’en revient pas, sa lettre à Madame le Ministre Gourault en témoigne. C’est comme si elle se réveillait d’un mauvais rêve. Elle pensait sans doute avec sincérité que la REM allait sauver les territoires ruraux avec cette loi. C’est probablement une écologiste de bonne foi, qui croyait bien faire. Elle n’a d’ailleurs pas ménagé sa peine. Et je comprends sa déconvenue : elle a fait l’exact contraire de ce qu’elle croyait faire.

Sources

Contexte dans lequel s’inscrit cette recherche

Annonce de la venue en Haute-Loire de Madame de Courson, prévue en Décembre :

Reprogrammée en février - Source 2

Démission de Madame de Courson du groupe LREM à l’Assemblée Nationale

Lettre ouverte de Yolaine de Courson à la Ministre Jacqueline Gourault en juin 2020

Les textes

Constitution Française

Les articles 174 à 178 du TFUE (page 81sur 153)

Dossier législatif complet

Exposé des motifs du sénateur

Commission AN (loi présentée par Madame le Ministre Jacqueline Gourault)

Commission AN au format pdf

Le projet de loi et le texte adopté en commission

Commission avis de courson

Dernier rapport de la Commission

7ème rapport de la commission (2017-2020)

 

 

 

Dominique Bard